La sédentarité tue plus que le tabac
« La sédentarité tue plus que le tabac, c’est la première cause de mortalité, et elle est si facilement évitable ! », déclare d’entrée de jeu Benoît Eycken, directeur général d’Alizeum. Le travail en entreprise rend les salariés de plus en plus sédentaires : assis au poste de travail, on se lève pour une réunion, pour se rendre à la machine à café, et faire quelques pauses. C’est peu. « Or c’est par le mouvement que le corps se décharge de son trop-plein d’énergie », poursuit Benoît Eycken. Quand on passe son temps assis, l’énergie accumulée ne peut s’évacuer par le mouvement, elle finit par sortir par nos points faibles : le dos, la nuque, l’estomac, et s’exprime en douleurs lombaires, cervicales, ou en ulcère. » L’entreprise est responsable de la bonne santé physique et morale de ses employés. Pour aider ses salariés à se maintenir en forme, il faut les inciter à retrouver une activité qu’ils ont perdue : « Il est capital, pour diminuer le mal-être dû au stress, de créer une dynamique positive pour une bonne hygiène de vie. Il faut retrouver les fondamentaux de l’épanouissement : des règles simples d’alimentation, de sommeil et d’activité physique et mentale. Et quand on s’épanouit, on retrouve l’envie et on donne envie. » Le cercle vertueux, selon Benoît Eycken.
Selon une étude du Centre d’Analyse Stratégique (CAS), les salariés ne seraient aujourd’hui que 13% à pratiquer une activité sportive au sein de leur entreprise. En 2007, un livre blanc sur le sport émanant de la Commission européenne abordait le sport comme un élément de santé publique : la promotion de « l’activité physique bienfaisante pour la santé » sur le lieu de travail est évoquée « afin d’améliorer les performances et la santé des employés et de réduire l’absentéisme ».
Une salle de sport ? Un Professionnel? pourquoi, comment
La salle de sport représente la version la plus connue de ce que les plus grandes entreprises proposent à leur personnel. « Le point de départ d’un projet réussi, témoigne Pedro Randez, président de The Corporate Gym, c’est la définition de ce que doit contenir l’espace, sa conception et son design : vestiaires, machines, salles, douches… bref, toute l’organisation de l’espace. » Pour lui, « il est important que l’entreprise ne se soucie pas de la gestion de l’espace, car ce n’est pas son métier.» Le client fait appel à un prestataire externe, pour un service sur-mesure, clé en main. Pedro Randez note que « de plus en plus, les entreprises recherchent un service qui va au-delà de la simple prestation d’espace sportif : d’une demande en fitness on est passé à une demande en well-being – le bien-être global. On parle ainsi de l’installation d’espaces complémentaires réservés à des masseurs, kinés, ostéopates, nutritionnistes. Il existe une réelle attente des clients pour un service comprenant cours collectifs, suivi personnalisé, hors les murs et well-being.»
C’est d’ailleurs en pensant « bien-être » que Saguez & Partners, 150 employés, a mis sur pieds une salle de sport pour ses salariés : « La création de cette salle résulte d’une conviction : celle que bien-être au travail et efficacité vont de pair. Pour nous ce n’est pas une démarche théorisée, mais plutôt un abord pragmatique. C’est d’abord pour créer un nouveau lieu où l’on se sent bien que nous l’avons installée » témoigne Pierre-Olivier Pigeot, Directeur conseil de la filiale d’aménagement d’espaces tertiaires Saguez Workstyle. La preuve qu’offrir une salle de sport à ses employés n’est pas réservé aux entreprises du CAC40 : « Le ticket d’entrée n’était pas énorme, l’espace a été conçu dans un esprit loft, il a fallu travailler le revêtement de sol, investir dans du matériel, des douches, des sanitaires. On a voulu faire simple, fonctionnel, et facile » témoigne-t-il encore. Chez Saguez & Partners, la salle de sport est gratuite. Les employés s’organisent entre eux pour faire venir un coach deux fois par semaine à l’heure du déjeuner, ils se cotisent. Construction, fonctionnement, installations, machines : tout est géré en interne, avec l’aide du CE. Les salariés sont responsabilisés par l’autonomie et la gratuité qui leurs sont offertes.
Comment définir l’offre sportive proposée aux salariés ?
Benoît Eycken apporte quelques recommandations : « Au départ, le point clé, c’est une prise de conscience, par la direction, que les salariés sont les personnes les plus importantes de l’entreprise. Je décide de leur tendre la main et de leur proposer un programme pour les garder en forme. » Il faut ensuite « définir une ligne budgétaire allouée au bien-être, et non imputée au CE, aux RH, à la formation, etc. La fonction RH bouge de façon majeure vers la prévention, elle se transforme, j’ai bon espoir que la prévention gagne enfin, un jour, une ligne budgétaire propre. »
Une salle de sport séduira surtout les sportifs
L’idée principale, dans la démarche de favoriser l’activité sportive de ses salariés, c’est de « donner envie aux sédentaires, de remettre en activité ceux qui en ont perdu le réflexe, pour accroître le bien-être général ». Pour Benoît Eycken, si la création d’une salle de sport peut être une idée séduisante, il existe des solutions plus simples et moins onéreuses qui rempliront l’objectif. « D’autant qu’une salle de sport séduira d’abord, et surtout, les sportifs. » prévient-t-il.
Le contexte facilite cette intervention de l’entreprise dans un domaine relevant a priori du privé. Si le télétravail se développe, si les employés se connectent à leurs boites mail le week-end, acceptant ainsi de faire des heures supplémentaires à leur domicile, les salariés demandent, en contrepartie, de pouvoir exercer certaines activités personnelles durant leur temps de travail. La tendance est aublurring, ce brouillage des frontières entre les sphères personnelles et professionnelles. L’entreprise, en facilitant la vie de ses salariés, s’assure qu’elle s’entoure de collaborateurs plus sereins et donc mieux investis dans leur travail. D’autant qu’une actualité encore récente a pointé du doigt certaines situations de stress intense au bureau, remettant l’entreprise face à sa responsabilité vis-à-vis de la santé du salarié. Pour Pierre-Olivier Pigeot, « l’idée part d’une volonté de participer activement, en tant qu’entreprise, à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle des employés. Nous souhaitions proposer la possibilité de faire un break dans la journée : le matin, à l’heure de la pause déjeuner, ou le soir, et que cela se fasse facilement. »
Des bénéfices démontrés
La salle de sport de Saguez & Partners, telle qu’elle est conçue, apporte « un vrai confort pour les salariés : la gratuité et la facilité d’accès rendent la démarche très simple. Avec un gain de temps indéniable : quand on fait du sport au bureau, on n’a pas à ajouter du temps de transport dans sa journée. On dispose d’un endroit pour décompresser. Et c’est bénéfique pour la qualité du travail » résume Pierre-Olivier Pigeot. Pour Nicolas Geray, Directeur des pépinières d’entreprises de Caen la Mer, la démarche est un peu différente mais les principes fondateurs sont similaires : « Notre rôle est d’accompagner les start-ups. Nous avons pensé qu’offrir dans notre package un accompagnement sportif était une bonne manière d’accompagner encore mieux les créateurs d’entreprises. Avec l’idée qu’être bien dans son corps, c’est être bien dans sa tête.» Et Benoît Eycken de conclure : « C’est prouvé, avoir une activité physique régulière donne une meilleure estime de soi, car le fait de progresser est valorisant. Avec la forme, on retrouve le sourire, donc on est aussi plus actif socialement, plus confiant. Pour l’entreprise, cela signifie une meilleure prise de parole en réunion, une approche plus constructive, des gens prêts à relever des challenges. Cela joue également sur la productivité, et diminue notablement l’absentéisme. » Lutter contre l’absentéisme, recruter de nouveaux talents, intégrer de nouveaux collaborateurs, fidéliser les employés : une offre sportive constitue un argument qui renforce la marque employeur. « Pour nous ce petit plus constitue aussi un avantage concurrentiel » résume Nicolas Geray.
Cette parenthèse sportive peut également être l’occasion de générer des liens professionnels nouveaux, dans un contexte détendu. En témoigne Nicolas Geray, qui propose aux start-ups les services d’un coach sportif : « Nous constatons qu’au-delà d’un moment de bien-être et de défoulement, les séances de coaching sportif sont aussi un moment d’échange informel. Elles génèrent une nouvelle proximité et permettent une mise en relation sur un mode un peu différent. Des collaborations se nouent, les échanges sont facilités par ces RDV récurrents. »
Enfin, les retombées peuvent aller au-delà du bien-être des salariés. Comme le résume Pierre-Olivier Pigeot : « L’aménagement de cette salle de sport est devenu, avec le temps, un argument de démonstration de notre philosophie des lieux de travail. C’est maintenant aussi une vitrine. Ce n’était pas l’idée de départ, mais son succès parle par lui-même. » Et d’ajouter : « Ce lieu sert notre propos : nous sommes arrivés sur le marché de l’aménagement d’espace de travail d’abord parce que nous avons aménagé nos locaux et que notre propre démarche a séduit. La salle de sport est l’un des éléments de la cohérence de cette démarche. » Ou quand la démarche sportive devient un argument de vente ou un avantage concurrentiel…
La prévention, une démarche gagnante
« Le frein majeur des salariés pour pratiquer une activité physique régulière, c’est le manque de temps. On réussit toujours à trouver le temps de se soigner quand on est malade, mais est-il nécessaire d’attendre d’avoir mal pour prendre soin de soi ? » interroge Benoît Eycken. Sa recommandation ? « Bloquer des rendez-vous réguliers avec soi-même pour une activité physique qui fait du bien, comme s’il s’agissait d’un traitement. Avec le bénéfice mental de se dire qu’on en est le moteur. » Pour l’entreprise, le bénéfice est tout vu : « la prévention coûte moins cher que le traitement. Miser sur la prévention, c’est lutter contre l’absentéisme. » conclut-il. C’est d’ailleurs démontré : une étude britannique a mis en évidence que les entreprises engagées dans la promotion et la pratique du sport connaissent une baisse du taux d’absentéisme de l’ordre de 30 à 40 %. Ces entreprises présentent également un taux de turnover en moyenne 25 % moins élevé que les autres.
Les facteurs clés de succès du sport en entreprise
La recommandation de Pedro Randez pour le succès de l’offre sportive par l’entreprise ? « l’engagement dans le bien-être ne peut en aucun cas ne constituer qu’un gadget pour figurer dans les classements des entreprises où il fait bon travailler, cela doit être un engagement sur le long terme, dans la durée. Il faut le voir comme un outil positif, pas comme une contrainte. » Benoît Eycken conclut en précisant qu’ « il existe des outils simples et efficaces, applicables même aux plus petites entreprises. Le budget n’est pas un frein, on peut toujours démarrer par des choses simples. » Alors à vos marques, prêts ? Partez !